Reinhold Messner et le Cerro Torre - Enquête sur une ascension en Patagonie (2024)

Le 30 janvier 1959, l’Italien Cesare Maestri et l’Autrichien Toni Egger ont-ils, comme le prétend Maestri, réussi l’ascension de la « montagne impossible », le Cerro Torre, sommet de 3128 m situé en Patagonie ? C’est l’une des grandes énigmes de l’histoire de l’alpinisme. Avec suffisamment d’ombres et de doutes pour que l’incontournable Reinhold Messner s’interroge et parte sur les traces des derniers témoins. Un documentaire de 1h20, sorti en 2020, à découvrir jusqu’au 1er novembre.

Pour son quatrième documentaire, la légende vivante de l’alpinisme, l’Italien Reinhold Messner (78 ans), s’est attaqué à une polémique qui a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis plus de 70 ans. Le Cerro Torre – 3 128 mètres de paroi glacée battue par les terribles vents de la Patagonie, surplombant El Chalten, en Argentine – a-t-il été réellement « vaincu » par l’Italien Cesare Maestri en 1959 ? « L’araignée des Dolomites », un temps considéré comme « le meilleur alpiniste du monde », peut-il une fois pour toutes, ajouter ce haut fait à un palmarès déjà impressionnant mais non sans taches ?

«S’il l’avait fait», explique Messner, « cela aurait été l’exploit du siècle ! ». Or il en doute sérieusem*nt. Pas seulement, parce que Maestri est revenu seul et sans preuves de cette expédition – son compagnon de cordée, l’Autrichien Toni Egger ayant disparu dans une avalanche – mais parce que trop d’indices semblent confirmer les doutes qui, au fil des ans ont terni un exploit qui aurait dû définitivement consacrer Cesare Mestri en lui offrant la revanche qu’il cherchait tant.

Le Cerro Torre, une obsession pour Maestri

Originaire du Trentin, l’Italien est dans les années 50 un vrai prodige de l’alpinisme. Un héros aussi, pour avoir sauvé la vie de l’un de ses compagnons de cordée. Son nom est sur toutes les lèvres. Mais il n’est pas pour autant dans les petit* papiers des officiels italiens. En 1952 lorsque l’Italie monte sa première expédition sur le K2, on ne veut pas de lui. « Pas suffisamment capable », lui dit-on. « Parce que j’étais soupçonné d’être communiste ! », explique Maestri devant la caméra de Messner. Cette exclusion restera une blessure ouverte pour celui qui se considère comme le meilleur alpiniste de son époque.

Aussi lorsqu’un autre Italien, Cesare Fava, immigré en Argentine, le contacte pour l’inviter à faire l’ascension du Cerro Torre, sommet repéré le 2 février par Lionel Terray et Guido Magnone lors de leur ascension du Fitz Roy, « le Cervin des antipodes », son invitation arrive à point ! Car à l’époque, les deux vainqueurs du Fitz Roy jugent le Cerro Torre voisin impossible à gravir. Avec ce défi, on va enfin voir quelle est son envergure !, se dit alors Maestri. Cette montagne deviendra son obsession, pour son plus grand malheur.

Toutes les indices concordent

Au point, s’interroge Messner, de prétendre l’avoir gravie, alors que tout semble prouver le contraire ?C’est ce que, au fil de son enquête menée en Argentine et en Europe, il va démontrer, en mêlant interviews d’experts, témoins de la famille du défunt Toni Egger et documents d’archives, que Maestri a menti. Une enquête méthodique, difficile, un peu lourde dans son montage, car soutenue par des reconstitutions dont on se serait parfois passé, mais qui a le mérite d’exposer toutes les pièces du puzzle.

Cesare Maestri est décédé en 2021, à 91 ans, et jusqu’au bout, il aura nié l’évidence, mais aujourd’hui l’affaire contient tous les ingrédients d’un thriller. Alors, « Vérité ou légende », est-ce si important, interroge Messner ? Les puristes diront que si, et on les comprend, tous les autres retiendront aussi qu’avec la polémique, le Cerro Torre est entré dans l’histoire de l’alpinisme comme l’un des sommets les plus convoités du monde. Au point qu’en 2009 le prodige de l’escalade, David Lama, tragiquement disparu depuis dans une avalanche, se focalise lui aussi sur cette «montagne impossible» et y consacre plusieurs expéditions. Pour lui non plus la montagne ne sera pas tendre, et il en tirera un passionnant documentaire de 1h20 – Cerro Torre avec David Lama. que dans la foulée de celui de Messner, on aura plaisir à voir ou à revoir. Une belle « soirée Cerro Torre» en perspective.

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